L’hirondelle est symbole d’amour, de fidélité, de loyauté.
Elle qui revient toujours dans le même nid !
Il y a les oiseaux
Il y a le chasseur
C’était au printemps. Arrivé avec en fond sonore d’anciens de bruits de bottes et armé d’un fusil caché dans un bouquet de fleurs hallucinogènes, il s’est peu à peu glissé dans les campagnes comme dans les villes. Le chasseur.
Les oiseaux guetteurs l’ont vu. Les canards siffleurs des parcs, les coucous de la forêt lointaine, les Piaf tapageurs de la vie en rose, les mouettes crieuses des mers et des fleuves, les mésanges à tête noire au bord des fontaines ont senti le danger et déclencher l’alarme.
De partout ils ont surgi, les petits piou-piou mangeurs de miettes, les corbeaux bombardiers, les martinets affoleurs, les rossignols moqueurs, les pics verts obstinés, les chouettes aux cris d’effraie, les perruches assourdissantes : des nuées entières les ont rejoints venues d’Espagne, d’Italie, qui en avaient vu d’autres, des milans dissidents de Sibérie, des oiseaux blessés de Syrie, du Liban, d’Afrique et d’Asie, d’Amérique du Nord et du Sud. Des murmurations de sansonnets en patrouille dessinaient des drapeaux libertaires dans le ciel. De vraies brigades internationales à plumes issues de tous les pays du monde avaient répondu à l’appel : Chasser le chasseur ! Tous les coups étaient permis pour sauver les nids de résistance, pour sauver le ciel. A grand renfort de piqués, de largage de fientes sur l’homme au sourire morbide, qui avançait entouré d’une cohorte de créatures nauséabondes cachées dans les fourrés. Le Bruant des roseaux qui pour l’occasion se faisait appeler Aristide en a profité pour demander en mariage la Bergeronnette des ruisseaux, sa belle de mai, rencontrée sur une petite barricade faites de brindilles et d’herbe euphorisante. Certains artistes perché.e.s se sont même laissé pousser des ailes pour rejoindre l’armée révolutionnaire volatile. Le Fou de Bassan leur a appris le plongeon ciblé, les buses féroces leur ont enseigner l’attaque surprise. Les chants cacophoniques mais porteurs de liberté avec des promesses de ciel dégagé firent leur travail.
L’homme et sa bande ont reculé. Mais ils se sont tapis en retrait près à jaillir dès que la vigilance se relâcherait.
L’été s’est passé avec ses écrans de fumée olympiques empêchant le chasseur de se manifester. L’automne est venu et les hirondelles sont reparties, laissant le soin au nouveau front uni des oiseaux de veiller au grain. Prises de bec et coups de griffes s’en sont suivis. A qui piaillerait le plus fort ! A qui fabriquerait le plus gros nid !
Les colibris n’avaient déjà plus de place pour chanter leur petite musique utopique étouffés par les vieux geais et les pies prétentieuses attirés par tout ce qui brille, les merles idéalistes étaient virés des jardins où se discutaient le partage des branches. Fini le temps des cerises. De vieux pigeons roucoulant occupaient maintenant la place et en espérait une plus haute.
Hirondelle, mon amour
Hirondelle des fenêtres
Hirondelles des rivages et des rochers
Reviens vite et réveille les ardeurs endormies.
Remets-nous un coup de printemps en automne… Montre à qui veut bien voler que c’est par le haut qu’il faut se débarrasser du prédateur, apprends-nous le vent de l’égalité, apprends-nous à traverser les nuages et à rejoindre les cimes, Apprends-nous la fraternité, raconte-nous comment tes voyages migratoires t’ont rendus plus forte, plus belle. Et que si tu reviens au nid, c’est emplie d’histoires nouvelles glanées dans des pays en feu, en guerre, en sang, en ruines où tu voyais en bas les enfants te supplier de les prendre sur ton dos pour les emporter vers des jardins calmes, ne se doutant pas qu’un chasseur pourrait un jour leur tirer dessus.
Patrice Douchet / 19 septembre 2024